lundi 19 septembre 2016

Lettre C : Corbusier, un abécédaire malveillant

Corbusier 
un abécédaire malveillant



Abattoir

Le projet sur lequel Edouard Jeanneret compta, l’an 1917, pour lancer sa carrière d’architecte, était celui d’un abattoir frigorifique, à Challuy dans la Nièvre.
Le ton de son œuvre était donné.

Anecdotique

Pour rabaisser l’œuvre d’Auguste Renoir il utilisait le mot qui sert aujourd’hui encore de fétiche à ceux qui confondent l’éternité et l’ennui : anecdotique.

Anti carvagisme

Il aimait à proclamer son anti caravagisme. Quant à ses propres peintures, elles comptent si peu que personne n’a jamais songé à s’y opposer.

Arc doré

Pour la peinture, Le Corbusier en tenait pour le nombre d’or, autrement baptisée « arc doré ». Ce sont toujours des flèches de plomb qu’il plaça hélas dans son arme fatale.

Armée du Salut

Il dessina un grand refuge pour l’Armée du Salut. Comme le bâtiment qu’il avait conçu était impossible à vivre, on dut lui apporter maintes modifications. Il décréta furieux que l’édifice n’appartenait plus, sans son « air exact »,  au « champ architectural ». La pauvreté resta insensible à ce décret et la fréquentation des lieux augmenta encore.


Béton

Le Corbusier se passionna sur le tard  pour la scuplture sur sable auprès d’un certain Nivola. C’est hélas avec du béton qu’on  l’avait jusque-là laissé laissé faire ses châteaux.


Comment le mettre en colère

Pour le mettre en colère il suffisait de lui montrait une photographie du siège de l’ONU : ce n’était pas lui qui l’avait conçu.

Crabe

Le toit de Ronchamp lui fut suggéré par une carapace de crabe vide trouvée sur une plage. Sa spiritualité avait enfin trouvé le moule qui lui convenait.

Cyclope radin

Comme son œil gauche était aveugle, Le Corbusier exigeait  que ses opticiens lui fournissent des lunettes à moitié prix : et pour les verres, et pour la monture.




Dénigrement des confrères

Il ignora le plus souvent ses confrères. Quand il lui arriva d’en parler, ce fut naturellement pour les descendre en flèche.  « Vous n’avez aucune idées de leurs intrigues, leur bassesse, leur cruauté. Pour obtenir une commande, ils sont capables de vous étrangler, confia-t-il au photographe Brassaï. »




Egalitarisme

Il livra des maisons inhabitables à de riches clients. Il en fit autant pour les pauvres.

Einstein

On lui arrangea un entrevue avec Einstein. Tout ce qu’il tira de cet entretien fut le constat que le savant était mieux nourri que lui.

Euthanasie

Il fut aussi proche d’Alexis Carrel, promoteur « d’établissement euthanasiques pourvu de gaz appropriés ». On tremble à l’idée des édifices qui eussent pu naître de leur collaboration.



Fatuité

Sa fatuité garda toujours quelque chose de puéril. Dans les lettres à sa mère, il se félicitait que tout Vichy le considérât comme « un Monsieur ».

Froebel

Le Corbusier suivit dans son jeune âge les leçons d’une école maternelle qui appliquait la méthode de Froebel : huit cubes que l’enfant était invité à combiner de diverses façons. Il ne s’en remit jamais.


Gaudi

Quand on demandait à Gaudi ce qu’il pensait du Corbusier, le maître catalan répondait simplement : « Je le plains ».


Hygiénisme

Le coté hygiéniste de la Suisse ne l’avait pas quitté. Il vomissait la Chaux de Fond mais vouait un culte aux bidets.


Inde

En Inde, Le Corbusier voulut détourner une rivière et briser les habitudes « de repos, de sieste et d’indolence » des indigènes en leur flanquant quelques-uns ces prisons ombreuses qu’il baptisa effrontément : « grilles climatiques ».

Isorel

Dépassement du budget, portes et fenêtres inutilisables, pourrissement des murs, le riche M. Laroche fit avec sa villa l’expérience de tous les défauts d’une construction confiée à Edouard Jeanneret. Mais il ne se départit jamais de son calme et finit par trouver la formule anti et procorbuséenne miracle : tout recouvrir d’Isorel et continuer d’admirer son architecte.


Joséphine Baker

Il tomba amoureux de Joséphine Baker sur un paquebot transatlantique. Il la dessina et la dessina encore. Mais rien n’y fit, ni la taille de la chanteuse, ni sa souplesse n’empêchèrent la naissance du Modulor


Klebs

Son chien Pinceau était le rejeton de Graal du Padock et d’Irma von… A Vichy, il fut invité à saillir le cabot du général Darlan.

Knock-out

Il fanfaronnait à la manière de Cassius Clay : « L’inventeur de la ville radieuse écrase tout, déclarait-il à qui voulait l’entendre. »


Le (Corbusier)

Inlassable promoteur de sa propre gloire, Jeanneret utilisa dans cette perspective les moyens les plus extravagants. Ainsi décréta-t-il que le nom qu'il s'était choisi serait précédé, à la manière de ceux des anciens peintres italiens, d'un article défini. C'était comme pour ses bâtiments : plus c'était gros et mieux ça passerait.


Machine à habiter

Pour placer ses doctrines, Le Corbusier inventait des formules. Il créa celle de « machine à habiter ». Il se mettait ainsi sur la même ligne que les vendeurs de réfrigérateurs et de lave-linge. Mais il était entendu qu’il ne s’occuperait jamais du service après-vente.

Mauvais joueur

Jusqu'à la fin de ses jours il resta mauvais joueur. A Chandigarh, il prit soin d’élever des tumulus pour dissimuler les œuvres de ses pairs anglais Fry et Drew.

Modulor

Le Modulor… ? Et sa femme ? Et sa bite ?

Mouche

Il adopta un jour une mouche. C’était tout ce qu’il pouvait faire en matière de paternité.



Nudisme graphomaniaque

C’est nu qu’il entreprit de peindre les murs d'une villa de Saint Tropez sans même en demander la permission à Eileen Gray, sa propriétaire. Nudité et clandestinité ne servirent à rien : ses fresques restèrent obstinément anti-érotiques.


Ordre
Un sentiment d’angoisse permanente donna précocement à Jeanneret le goût de ranger au quart de poil ses petites affaires. Il voulut ensuite communiquer cette manie à la terre entière. Il décréta : « La plus haute délectation de l’esprit humain est l’ordre. »

Oreiller

Sa carrière amoureuse eut des débuts difficiles. La disette lui garda longtemps l’habitude d’étreindre son oreiller.
Heureusement qu’il n’avait pas lui-même conçu cet ustensile.


                                                                                                                        
Post mortem

Presqu’aucun de ses projets ne lui survécut. La main ouverte de Chandigarh fit hélas exception.

Pyjama

La tenue vestimentaire était une de ses constantes préoccupations. Jusqu’au pyjama. On ne sait jamais à quel moment il faudra épater le bon Dieu.

Pensée politique

Entre le naïf et prétentieux : « L’équilibre des sociétés est une question de bâtiment » et le lamentable « N’a jamais fait de politique » utilisée dans un curriculum adressé aux autorités de Vichy, la pensée politique de Le Corbusier est proprement et consciencieusement nulle.

Président

En 1951, il fut élu président du Comité Provisoire International de l’Etude de la Proportion. Il imagina jusqu’à la fin de sa vie que c’était sérieux.


Quichotte

Il fit relier son exemplaire du don Quichotte avec la peau de son chien Pinceau. On se demande encore pourquoi ; et où trouver une peau de bête assez vaniteuse pour servir d’écrin à ses propres œuvres.


Rhume

Il était très souvent enrhumé. Pour remercier ses parents de l’avoir ainsi conçu, il leur construisit une maison inchauffable.


Soupçons

Au Piquey, près d’Arcachon, il passa plusieurs heures sur le rivage, dans le seul but de vérifier que l’océan respectait bien son horaire. Il croyait au génie de la Nature, mais il le soupçonnait déjà d’être braucoup moins bien réglé que le sien.

Sous-sol social

Au 24 de la rue Nungesser et Coli, Le Corbusier, toujours social, installa son personnel au sous-sol.


Tombe

Il écrivit ses œuvres complètes avant de les avoir terminées, trafiqua avec succès sa biographie et dessina lui-même sa tombe.

 Théorie unitaire

Rien n’est plus séduisant, et fertile quelquefois, qu’une théorie unitaire. Rien n’est plus triste et morbide que de vouloir comme Le Corbusier l’imposer aux forceps.

Troglodysme psychologique

En 1932, sous le terme de « Corbusiannerie », Alexei Tolstoï définissait assez vivement le style de l’architecte : coffre fort, culte du matériau, fétichisme et troglodysme psychologique.


Urbanisme

Le plan Voisin et la « Ville de 3 millions d’habitants » sont la preuves par l’absurde qu’il ne faut jamais confier à un architecte des problèmes d’urbanisme.

URSS

En 1932, comme les Soviets tardaient à souscrire à tous les projets qu’il avait conçus pour eux , il écrivit « Nous attendons de l’URSS le geste qui domine …Sinon ? Sinon, il n’y a plus d’URSS. » Il fallut quand même attendre 60 ans.


Vieillissement précoce

C’est dans ses Mémoires que le général de Gaulle, reprenant Chateaubriand pour évoquer Pétain, répéta que: « La vieillesse était un naufrage ». C’est de Vichy que le Corbusier écrivit à sa mère : « Il n’y a que le Maréchal qui soit jeune. »


Wright
En comparant la villa Savoye à « une boîte sur des échasses », Franck Loyd Wright indiquait ce qui fuyait le plus obstinément l’art du Corbusier : la grâce.


Xylophilie systématique

Lorsqu’on démonte un coffrage, on s’aperçoit que les planches ont laissé le dessin de leurs fibres sur le béton. C’est amusant. Jeanneret trouva cela transcendant et en fit un système.


Yvonne

« Yvonne, de plus en plus, accomplit sa tâche généreuse d’être la compagne d’un hommes qui a des marottes. Bonté gentillesse et complaisance et présence toujours efficace. Brave, brave gosse. » Ainsi Le Corbusier, dans une lettre de 1931,  évoquait-il son épouse. Celle-ci s'attacha à tenir le poste que lui avait assigné le maître pendant un quart de siècle. Puis elle mourut, après avoir absorbé beaucoup d’alcool et beaucoup de tabac.


Zèle

Laudateur ultra zélé du Corbusier, Le Corbusier eut, dans les moments cruciaux de l’Histoire, le courage d‘abandonner son propre éloge pour celui d’hommes qu’il jugeait, dans les circonstances, légèrement supérieurs à lui. C’est ainsi que, plein de nuance, il déclara en 1940 : «Nous sommes entre les mains d’un vainqueur et son attitude pourrait être écrasante. Si le marché est sincère, Hitler peut couronner sa vie par une œuvre grandiose : l’aménagement de l’Europe.»


les lettrines sont extraites
de l'ABC RADIEUX
photographies prises à l'Unité d'Habitation de Marseille
visible en entier 
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